(Conception artistique : Jean-Dominique Lavoix-Carli)

Dans le contexte des tensions accrues entre la Russie et les États-Unis, la Russie, le 1er février 2022, par l'intermédiaire de son ministre des affaires étrangères Sergei Lavrov, invoque un article d'un accord de 1999 (Reuters1er février 2022). Quel est cet accord et quel article Lavrov utilise-t-il ?

Téléchargez le document OSCE Istanbul 1999 ici ou l'accès à celui-ci sur le Site web de l'OSCE

L'accord de 1999 est en fait le Document d'Istanbul 1999 de l'OSCE. Il est le résultat d'un sommet entre les dirigeants de 54 États participant à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui s'est tenu à Istanbul en novembre 1999.

Le document contient notamment une "Charte de sécurité européenne" (pp. 1 à 45), "Fait à Istanbul, le 19 novembre 1999, au nom de", suivie des noms et signatures des pays signataires de la charte (pp.14 à 42).

Comme le montrent les deux images ci-dessous, les États-Unis (p.15) et la Russie (p.36) ont signé la Charte, en plus du Canada et de nombreux autres États d'Europe et d'Asie centrale. L'Ukraine est également signataire.

Le ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, fait référence à l'article 8 du document, qui se lit comme suit :

8. Chaque Etat participant a un droit égal à la sécurité. Nous réaffirmons le droit inhérent de chaque État participant d'être libre de choisir ou de modifier ses arrangements de sécurité, y compris les traités d'alliance, au fur et à mesure de leur évolution. Chaque Etat a également le droit à la neutralité. Chaque État participant respectera les droits de tous les autres à cet égard. Ils ne renforceront pas leur sécurité au détriment de celle d'autres États. Au sein de l'OSCE, aucun État, groupe d'États ou organisation ne peut avoir une quelconque responsabilité prééminente dans le maintien de la paix et de la stabilité dans l'espace de l'OSCE, ni considérer une partie de l'espace de l'OSCE comme sa sphère d'influence.

Art. 8, Charte de sécurité européenne en 1999 Document d'Istanbul de l'OSCE p.3 [mon accent].

Du point de vue de la Russie, tout élargissement de l'OTAN vers l'Est est en contradiction avec cet article. Les actions ayant des implications possibles pour la sécurité de la Russie dans un pays comme l'Ukraine, également signataire de la Charte, sont également en contradiction avec l'article 8.

Cependant, du point de vue de l'Ukraine, l'annexion de la Crimée par la Russie, peut également être considérée comme étant en contradiction avec l'article 8. Et là, la Russie peut à son tour faire valoir qu'elle a répondu à l'absence initiale de respect de sa sécurité en 2013 et 2014 (cf. Crise en Ukraine) qui contredisait également l'article 8.

Il est intéressant de noter que dans une première analyse de la Charte de l'OTAN, le point invoqué par Lavrov à l'article 8 n'est pas pris en compte (voir Victor-Yves Ghebali, "La Charte d'Istanbul de l'OSCE pour la sécurité européenne“, Revue de l'OTANjuillet 2000). Cette absence peut montrer à quel point notre focalisation sur un aspect peut parfois nous rendre aveugles à d'autres aspects. Cela peut aussi montrer une certaine incapacité (voulue ou non) à considérer combien l'OTAN peut être ressentie comme une menace par d'autres. Cette incapacité à prendre en compte le point de vue des autres était également au cœur de la crise ukrainienne de 2013-2014. Cela reste très probablement vrai aujourd'hui.

Publié par Dr Helene Lavoix (MSc PhD Lond)

Dr Hélène Lavoix, PhD Lond (relations internationales), est la présidente de The Red Team Analysis Society. Elle est spécialisée dans la prospective stratégique et l'alerte précoce pour les relations internationales et les questions de sécurité nationale et internationale. Elle s'intéresse actuellement notamment à la guerre en Ukraine, à l'ordre international et à la place de la Chine en son sein, au dépassement des frontières planétaires et aux relations internationales, à la méthodologie de la prospective stratégique et de l'alerte précoce, à la radicalisation ainsi qu'aux nouvelles technologies et à leurs impacts sécuritaires.

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