La deuxième vague de la pandémie de COVID-19 se propage à travers le monde. Elle a d'abord atteint les États-Unis, l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. À la mi-novembre 2020, elle a commencé à être visible en Extrême Orient (voir, par exemple, le Global Tracker Covid-19 de Reuters : Monde et Asie et Moyen-Orient).

Japon (Reuters COVID-19 Tracker)
Corée du Sud (Reuters COVID-19 Tracker)

Fin novembre 2020, la Corée du Sud et le Japon sont confrontés à un nombre croissant de cas. Pourtant, l'ampleur de la poussée épidémique à laquelle ils doivent faire face n'est, pour l'instant, absolument pas comparable à ce qui se passe en Europe ou aux États-Unis.

Dans le même temps, en ce qui concerne la Chine, les medias ont tendance à se concentrer sur l'économie et la reprise économique (par exemple, James Hyerczyk, "Asia-Pacific Shares Down Across the Board; China Reports Upbeat Factory Activity“, Nasdaq, 30 novembre 2020). La pandémie de COVID-19 semble presque oubliée, même si c'est en Chine que la pandémie s'est déclarée initialement.

La situation en Chine est un facteur clé de l'optimisme de nombreux acteurs quant à la pandémie de COVID-19, en sus, bien entendu, des perceptions très positives concernant les vaccins à venir.

Que se passe-t-il donc réellement en Chine en ce qui concerne la pandémie de COVID-19 ? La Chine est-elle vraiment devenue un pays beaucoup plus sûr que les autres grâce à la façon dont elle gère désormais la pandémie ? Peut-on estimer ce que sera la situation sanitaire en Chine dans un avenir proche ? Quels sont les impacts probables de la façon dont la Chine gérera, bien ou mal, une éventuelle seconde vague ? Est-ce vraiment important compte tenu des vaccins à venir ? Comment pouvons-nous penser le monde compte-tenu de la façon dont la Chine gère la pandémie et des vaccins à venir ?

Cet article aborde la première de ces questions et examine la situation en Chine en termes de contagion et de clusters.

La Chine, un contrôle étonnant de la pandémie de COVID-19

Depuis que la COVID-19 se déclara en Chine en décembre 2019 et janvier 2020, déclenchant la pandémie mondiale, et que les mesures chinoises drastiques mises en œuvre prirent fin le 8 avril 2020 (voir par exemple CNN), la Chine a été étonnamment presque exempte de COVID-19.

La Chine a enregistré 4.750 décès du fait de la COVID-19 jusqu'au 28 novembre 2020. Le 23 puis le 25 septembre, la Chine signala le décès d'une personne à chaque fois, puis d'une autre le 4 novembre, d'une autre le 5, d'une autre le 10 novembre et encore d'une autre (à Hong Kong) le 28 novembre (réseau dxy, 1point3acres).

Elle a enregistré 93 113 cas symptomatiques de COVID-19 depuis le début de la pandémie jusqu'au 26 novembre 2020 et 93 465 jusqu'au 30 novembre 2020 (réseau dxy).

Ce chiffre est à comparer aux 62,57 millions de cas dans le monde au 30 novembre 2020, et notamment aux 18,02 millions de cas pour l'Europe, et aux 13,38 millions de cas pour les États-Unis (ECDC). En d'autres termes en un jour, entre les 29 et 30 novembre, il y a eu deux fois plus de cas en Europe que depuis le début de la pandémie en Chine. Aux États-Unis, pour le même jour, il y a eu 1,5 fois plus de cas que depuis le début de la pandémie en Chine.

Ainsi, jusqu'à présent, la Chine ne représente qu'une part négligeable des cas, même si la Chine a constitué le premier foyer de la pandémie.

Apprendre en contrôlant les clusters

Ce n'est pas que la Chine soit exempte de COVID-19 par miracle. Elle obtient ces résultats incroyables grâce à un contrôle extrêmement rigoureux et efficace de la pandémie. En effet, au cours des derniers mois, lorsqu'apparurent des contaminations qui auraient pu se transformer en d'éventuels foyers, la Chine a pris des mesures radicales et efficaces qui lui permirent de contrôler rapidement les nouvelles amorces de foyers épidémiques.

Par exemple, au cours de l'été, le 9 juin, un cluster commença à Pékin, s'étendit à la province voisine de Hebei et inclut plus de 330 cas symptomatiques (OMS A cluster of COVID-19 in Beijing, People’s Republic of China, 13 juin 2020 ; Bloomberg,, “Xinjiang Covid Outbreak Is China’s Biggest Since Summer", 2 novembre 2020 ; Bloomberg News, “China locks down county of 400,000 as COVID-19 cluster reemerges near Beijing", 29 juin 2020). L'origine de la contagion fut très probablement la contamination d'un vendeur de saumon à Xinfadi, le plus grand marché de gros de Pékin, car le virus fut détecté sur sa planche à découper (Ibid,). Les autorités réussirent à contrôler le cluster à Pékin le 19 juin, et les cas avaient disparu au début du mois de juillet.

Puis, à Dalian, le 22 juillet, un nouveau cluster vit le jour (Xinhua, "Containing sporadic COVID-19 outbreaks the Chinese way“, Beijing Review, 27 novembre 2020). Son origine est la contamination d'un "travailleur d'une entreprise locale de transformation de produits de la mer" (Xinhua, 29 août 2020). Le foyer de Dalian comprenait 92 cas de COVID-19 transmis localement et 26 cas asymptomatiques. Il fut complètement éliminé le 29 août (Ibid,).

À Qingdao, dans la province de Shandong, le 11 octobre, trois nouveaux cas de COVID-19 furent détectés (Xie Chuanjiao, "Source of Qingdao outbreak identified", China Daily, 19 octobre 2020 ; Yuhan Xing, Gary W.K. Wong et al, Rapid Response to an Outbreak in Qingdao, China, The New England Journal of Medicine, 18 novembre 2020). Le cluster ne compterait que 13 cas symptomatiques et fut considéré comme contrôlé le 16 octobre, aucun nouveau cas n'étant apparu (Ibid.). L'origine de ce foyer est liée à deux travailleurs portuaires qui avaient déchargé des marchandises importées (Xie Chuanjiao, ibid) et qui étaient en contact avec d'autres travailleurs maritimes (Yuhan Xing, Gary W.K. Wong et al.). Tous deux avaient été testés positifs le 24 septembre 2020 (Ibid.). Ensuite, le virus se propageât par l'intermédiaire de l'hôpital (Ibid.).

Le 24 octobre 2020, un nouveau cluster apparut au Xinjiang, avec un cas asymptomatique détecté. Le 2 novembre, la région autonome recensait 57 cas légers de COVID-19 et 233 cas asymptomatiques (Bloomberg,, “Xinjiang Covid Outbreak Is China’s Biggest Since Summer", 2 novembre 2020). Des millions de personnes furent testées dans la ville de Kashgar et alentours, là où les cas avaient été détectés, et tous ceux qui étaient positifs furent isolés (Ibid., BBC News, "Covid-19: China tests entire city of Kashgar in Xinjiang", 26 octobre 2020).

Jusqu'à présent, donc, des clusters ont vu le jour mais, à chaque fois, ils ont été étouffés avec succès. Quelle est la situation actuelle ?

Des contaminations croissantes et un nombre croissant de clusters

L'augmentation des contaminations quotidiennes

Depuis le 17 novembre, si l'on examine la situation nationale en Chine, le nombre de cas symptomatiques quotidiens nouvellement diagnostiqués a légèrement augmenté, comme le montrent les chiffres quotidiens ci-dessous, affichés sur un graphique bimensuel. Notez que le dernier graphique change d'échelle et que l'axe des ordonnées passe maintenant à 150 cas.

Ces augmentations semblent toutefois concerner principalement Hong Kong et Taïwan, puisque les rapports quotidiens de la Commission nationale chinoise de la santé et du réseau chinois de médecins - dxy.cn - les incluent, aux côtés de Macao, dans leurs statistiques.*

En conséquence, le nombre actuel de cas infectieux en cours a recommencé à augmenter. Néanmoins, par rapport à l'épidémie de janvier 2020, la courbe semble presque plate. Ce serait encore plus vrai si l'on comparait ces chiffres avec ceux d'autres pays et continents.

En Chine, le nombre de patients symptomatiques confirmés souffrant de la COVID-19 a atteint 905 cas le 26 novembre 2020, 980 le 27 novembre, 1145 le 29 novembre 2020 et 1245 cas le 30 novembre selon le les statistiques de dxy.cn. Parmi ces cas, les cas asymptomatiques détectés sont passés de 348 le 23 novembre à 279 le 28 novembre (Commission nationale de la santé). Ainsi, le nombre de cas asymptomatiques diminue légèrement.

Pour résumer, une augmentation des cas symptomatiques est ainsi constatée, principalement à Hong Kong et, dans une moindre mesure, à Taïwan.

Examinons maintenant les clusters et la répartition géographique sur le territoire chinois

Un nombre croissant de clusters

Au-delà des cas de COVID-19 que nous pourrons qualifier de "rampants", considérés comme identifiés et mis en quarantaine, le 27 novembre 2020, les médias chinois ont souligné l'existence de trois foyers principaux : à Tianjin - 15 cas symptomatiques le 27 novembre 2020, à Shanghai - 62 cas symptomatiques le 27 novembre 2020, et en Mongolie intérieure - 23 cas symptomatiques le 27 novembre 2020, dans la ville frontalière de Manzhouli (Xinhua, "Containing sporadic COVID-19 outbreaks the Chinese way“; “Manzhouli coronavirus cases likely imported“; China Daily, 27 novembre 2020).

À Manzhouli, l'épidémie a débuté le 21 novembre 2020. Le 27 novembre, on comptait 11 cas, 1 cas asymptomatique et un cas suspect ("Manzhouli coronavirus cases likely imported“). Ce sont des infections importées qui ont déclenché le cluster (Ibid.). Selon dxy.cn, le foyer infectieux est passé de 23 cas symptomatiques le 27 novembre 2020 à 18 cas symptomatiques, dont 4 étaient importés, le 29 novembre. Cela nous laisse supposer que les autorités contrôlent le cluster.

Par rapport aux trois clusters dont les médias ont fait état, la carte épidémique de dxy.cn pour le 27 novembre ci-dessous montre que sept provinces et villes (plus Taiwan et Hong Kong) connaissent un nombre plus élevé de cas de COVID-19. Ces chiffres pourraient indiquer de futurs clusters, en sus des trois identifiés. En effet, compte tenu de la nature même d'une pandémie, un seul cas représente un danger de contamination. C'est encore plus vrai avec la COVID-19 compte-tenu des cas asymptomatiques et de la contagion pré-symptomatique (voir Helene Lavoix, Dynamiques de contagion et seconde vague de COVID-19, The Red Team Analysis Society, 3 juin 2020). D'où l'extrême prudence et le soin dont font preuve les autorités chinoises.

La carte épidémique suivante, pour le 28 novembre, montre qu'une province (Anhui - la flèche bleue) est désormais exempte de cas de COVID-19 détectés. Entre-temps, une nouvelle province (Zhejiang) a rejoint ses sœurs avec un nombre plus élevé de cas. Le lendemain, le 29 novembre, une autre province a été ajoutée (Gansu), mais avec seulement un seul cas (la flèche rouge). Il faut noter ici que le nombre de cas reste très faible, et va de 10 cas au Zhejiang, 12 à Tianjin, jusqu'à 51 (mais en diminution) à Shanghai.

Il semble donc y avoir une augmentation du nombre de clusters possibles, par rapport aux six mois précédents. Pourtant, à chaque fois, un contrôle rapide conduit à une diminution du nombre de cas.

Il est intéressant de noter que les provinces qui comptent le plus grand nombre de cas positifs au COVID-19 semblent entourer la Chine. Cela montre une fois de plus l'importance capitale des échanges dans la propagation de la pandémie.

Ainsi, il semble que la Chine soit effectivement confrontée à une augmentation du nombre de cas, comme ailleurs. Pourtant, les mesures prises par la Chine semblent également, jusqu'à présent, faire la preuve de l'efficacité et même de la maîtrise chinoise dans la lutte contre la pandémie. Dans le prochain article, nous examinerons plus en détail ces mesures pour évaluer l'ampleur et l'intensité possibles de la deuxième vague en Chine. Va-t-elle rester quasiment plate comme c'est le cas actuellement ? Ou, au contraire, faut-il s'attendre à des surprises ?


*Nous devons également noter un écart entre les statistiques nationales de la Commission nationale chinoise de la santé et les statistiques du réseau dxy.cn. Ce dernier travaille avec les statistiques provinciales. Les chiffres présentés dans cet article reposent principalement sur le réseau dxy.cn.


Image en vedette : Image par Roger Mosley de Pixabay - Domaine public


Publié par Dr Helene Lavoix (MSc PhD Lond)

Dr Hélène Lavoix est présidente et fondatrice de The Red Team Analysis Society. Elle est titulaire d'un doctorat en études politiques et d'une maîtrise en politique internationale de l'Asie (avec distinction) de la School of Oriental and African Studies (SOAS), Université de Londres, ainsi que d'une maîtrise en finance (major de promotion, Grande École, France). Experte en prospective stratégique et en alerte précoce, notamment pour les questions de sécurité nationale et internationale, elle combine plus de 25 ans d'expérience en relations internationales et 15 ans d'expérience en prospective stratégique et en alerte. Elle a vécu et travaillé dans cinq pays, effectué des missions dans quinze autres et formé des officiers de haut niveau dans le monde entier, notamment à Singapour et dans le cadre de programmes européens en Tunisie. Elle enseigne la méthodologie et la pratique de la prospective stratégique et de l'alerte précoce, travaillant dans des institutions prestigieuses telles que le RSIS à Singapour, SciencesPo-PSIA, ou l'ESFSI en Tunisie. Elle publie régulièrement sur les questions géopolitiques, la sécurité de l'uranium, l'intelligence artificielle, l'ordre international, la montée en puissance de la Chine et d'autres sujets liés à la sécurité internationale. Engagée dans l'amélioration continue des méthodologies de prospective et d'alerte, Mme Lavoix combine expertise académique et expérience de terrain pour anticiper les défis mondiaux de demain.

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2 commentaires

  1. "Par rapport aux trois groupes dont les médias ont fait état, la carte de l'épidémie de dxy.cn pour le 27 novembre ci-dessous montre un nombre plus élevé de cas de COVID-19 dans 7 provinces et villes (plus Taiwan et Hong Kong). Ces chiffres indiquent peut-être des grappes de cas".

    C'est très probablement faux, et le fait que l'auteur fasse même cette conjecture montre que, malgré ses références scientifiques, elle ne comprend pas grand chose à la situation réelle en Chine. Des milliers de voyageurs arrivent encore en Chine chaque jour (principalement des Chinois de retour de l'étranger, mais aussi d'autres). Tous sont soumis à une quarantaine obligatoire centralisée de 14 jours dans un hôtel. La plupart ou la totalité des cas symptomatiques dans d'autres régions de Chine en dehors des trois grands groupes sont très probablement attribuables à des personnes qui ont été testées positives et sont devenues symptomatiques pendant cette période de quarantaine. Dès qu'une personne est testée positive en quarantaine, elle est transférée dans un service des maladies infectieuses d'un hôpital sous stricte quarantaine et observation. Il s'agit simplement de cas importés. Cela ne signifie pas qu'il y a une transmission communautaire ou que de nouveaux groupes se développent.

    1. Vous devriez lire plus attentivement... vous avez peut-être manqué le mot. Vous êtes sur un site web où nous travaillons sur l'incertitude et les scénarios, et où l'usage des mots a son importance. Vous avez également manqué le fait que j'ai souligné exactement ce que vous avez expliqué avec la phrase d'ouverture "Au-delà des cas COVID-19 endémiques considérés comme identifiés et mis en quarantaine".

      Vous auriez également dû continuer à lire comme je l'ai écrit : "Il semble donc que nous ayons une augmentation du nombre de grappes possibles, par rapport aux six mois précédents. Pourtant, chaque fois qu'un contrôle rapide conduit à une diminution du nombre de cas"... ce qui est en substance ce que vous pensez que je n'ai pas compris. Bien sûr, vous noterez l'utilisation des mots "semble" et "possible"... !

      Vous n'avez pas non plus remarqué que je pose exactement cette question (la courbe sera-t-elle plate compte tenu des mesures prises, ou non) à la fin de l'article, et que le prochain article portera sur les mesures prises par les autorités politiques chinoises.

      Poser des questions - ce que vous appelez des conjectures - est fondamental pour une prévision et une alerte stratégiques adéquates. Vous ne retirez jamais un scénario qui est improbable ou invraisemblable, vous les gardez et vous y ajoutez la très faible probabilité, si nécessaire. Ce que vous encouragez, c'est la censure, les menottes forgées par l'esprit. C'est ainsi que la surprise se produit et c'est exactement ce que nous combattons.

      En plus, vous le faites de manière agressive, ce qui est désagréable et, encore une fois, contre-productif en termes de compréhension et de prévoyance.
      Peut-être devriez-vous expliquer pourquoi vous avez ressenti le besoin d'être aussi agressif, quelles sont vos motivations et vos intérêts ici ?

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