(Conception artistique : Jean-Dominique Lavoix-Carli)

La cinquième vague mondiale de la pandémie de COVID-19 a maintenant commencé. Devons-nous nous en inquiéter ? Quelle sera sa létalité ?

Cet article et le suivant se concentreront sur les effets directs sur la santé de la cinquième vague de la pandémie de COVID-19. En effet, ces impacts sont ceux qui déterminent tous les autres. Nous nous intéressons ici à la létalité potentielle de la cinquième vague. Le prochain article traitera du Long-Covid, un aspect essentiel mais rarement pris en compte de la pandémie.

Nous nous concentrons d'abord, ici, sur la létalité des vagues précédentes et examinons si un modèle émerge. Nous abordons ensuite les différents facteurs qui auront un impact sur la létalité de la cinquième vague, notamment les deux traitements antiviraux de Merck et Pfizer et la diminution de l'immunité vaccinale après six mois. Nous utilisons les États-Unis comme étude de cas et, en ajoutant le cas d'Israël, nous déduisons les tendances mondiales possibles. Nous mettons également en évidence certains obstacles auxquels les autorités politiques pourraient être confrontées concernant l'acceptation de la troisième dose.

Cette série sur les impacts de la cinquième vague COVID-19 est la deuxième partie de l'article précédent : "Vers une cinquième vague de Covid-19 ?". Nous y avons évalué qu'il était très probable que le début mondial de la cinquième vague de la pandémie COVID-19 ait eu lieu à la fin du mois d'octobre 2021. Nous y avons également mis en évidence les facteurs qui façonneraient cette cinquième vague. Nous utilisons maintenant les éléments identifiés dans ce premier article comme base pour fonder notre évaluation des impacts.

Des vagues meurtrières de Covid-19 au niveau mondial

En utilisant les statistiques mondiales disponibles, nous trouvons, sans surprise, une périodicité des vagues de décès similaire à celle que nous avions trouvée pour la contagion.

Infections et décès mondiaux dus au COVID-19 entre janvier 2020 et le 5 novembre 2021 (source Reuters COVID-19 Global tracker).

L'impact mortel des vagues de contagion

Impact de létalité en deux phases pour la première hausse mondiale de la contamination - jusqu'au 17 octobre 2020

La première vague - l'augmentation de la contamination mondiale - a duré de décembre 2019 au 9 octobre 2020. Elle correspond à une vague de décès qui s'est terminée le 17 octobre 2020, soit 8 jours après le début de la deuxième vague de contamination.

Nous avons ici deux phases distinctes. La première phase atteint un pic autour du 15 avril 2020 avec 8.905 décès par jour, puis diminue jusqu'à atteindre à 4.677 décès le 26 mai 2020 et 3.628 le 1er juin. Il s'agit du plus faible nombre de décès au niveau mondial depuis le début de la pandémie. Au 3 novembre 2021 (8.078 décès), nous n'avons pas encore ramené le nombre de décès quotidiens à ce chiffre.

Au tout début de la pandémie, le nombre élevé de décès par rapport au faible nombre d'infections montre une impréparation mondiale ainsi que le manque de compréhension médicale d'alors de ce qui était une maladie totalement nouvelle.

La deuxième phase de cette première vague est un plateau qui monte lentement de 4,677 à 6,056 décès par jour, avec de petits pics, montrant la propagation mondiale de la maladie, alors que les connaissances médicales s'améliorent néanmoins.

Comparaison des décès annuels mondiaux dus à la grippe en 2019 et des décès de la 1ère vague de COVID19

Au total, 1,16 million de personnes ont perdu la vie au cours de cette première vague (chiffres tirés de "Cumulative confirmed COVID-19 cases and deaths, World“, Our World in Data).

A titre de comparaison, une étude de 2019 estime que le nombre mondial de décès dus à la grippe s'élève à 400.000 par an, soit près de trois fois moins (Paget, John et al. "Global mortality associated with seasonal influenza epidemics: New burden estimates and predictors from the GLaMOR Project” Journal of global health vol. 9,2, 2019, doi:10.7189/jogh.09.020421).

De la deuxième à la quatrième vague

La deuxième vague

La deuxième vague de décès a duré du 17 octobre 2020 au 9 mars 2021, avec un minimum de 10.524 décès par jour. La forme suit de près celle de la vague de contamination avec un premier pic le 22 décembre 2020 à 15.430 décès par jour suivi d'un pic plus élevé le 27 janvier à 18.357 décès par jour. Cette vague a duré environ quatre mois et trois semaines.

La deuxième vague représente 1,54 million de décès.

Par rapport à la deuxième vague de contamination, la vague de décès a commencé une semaine plus tard, le pic des décès quotidiens a eu lieu 13 jours après le pic de contagion, et la fin de la vague a eu lieu 20 jours après la fin de la vague d'infections.

La troisième vague

La troisième vague, en termes de décès quotidiens, a donc commencé aux alentours du 10 mars 2021 et s'est poursuivie jusqu'au 28 juin, atteignant alors 6.909 décès, soit 65% par rapport au creux précédent. Le pic s'est produit autour du 28 avril avec 15.471 décès, soit 84% du pic précédent. La vague a donc duré environ 3 mois et deux semaines.

Par rapport aux infections, la vague meurtrière a commencé 3 semaines plus tard, le pic s'est produit étonnamment un jour avant le pic des contagions. La vague meurtrière s'est terminée une semaine après la vague d'infections.

Nombre de décès cumulés par vague de la pandémie de COVID-19 de janvier 2020 à octobre 2021 et réévaluation pour l'Inde.

La troisième vague représente 1,23 million décès. En fait, il est probable que ce chiffre soit largement sous-estimé. En effet, la troisième vague inclut la propagation tragique du variant Delta en Inde. Une étude utilisant trois types de méthodologies différentes a conclu que le nombre de décès pour l'Inde uniquement entre le début de la pandémie et juin 2021 pourrait se situer entre 3,4 millions et 4,9 millions de décès en excès (Abhishek Anand , Justin Sandefur et Arvind Subramanian, "Three New Estimates of India’s All-Cause Excess Mortality during the COVID-19", Center for Global Development, 20 juillet 2021. Ces chiffres doivent être comparés au bilan officiel qui compte 339.053 morts au 1er juin et 399.459 au 30 juin 2021 (e.g. Financial Times).

La quatrième vague

La quatrième vague de décès a commencé vers le 28 juin 2021 et a duré jusqu'au 17 octobre 2021, avec 4.067 décès quotidiens, soit 59% du creux précédent. Le pic s'est produit autour du 26 août avec 11.717 décèssoit 75% du pic précédent. La vague a duré environ 3 mois et un peu moins de 3 semaines.

Par rapport aux infections, la vague meurtrière a commencé une semaine plus tard, le pic s'est également produit une semaine après le pic des contagions. Elle s'est terminée le même jour que la vague d'infections. En d'autres termes, la cinquième vague a commencé à se faire sentir de manière surprenante en termes de décès sans aucun décalage dans le temps. Cela provient probablement des différents stades des vagues pour les différents pays, combinés à une vaccination et une immunité induite variables. Cela montre les limites de ce qui peut être fait et compris en ce qui concerne la létalité lorsqu'on utilise uniquement des données globales aggrégées.

Comparaison du nombre total de décès du fait des guerres (combat) pour les Etats-Unis avec la quatrième vague de COVID-19 (sources : voir texte)

La quatrième vague représente 0,97 million de décès.

Pour mieux comprendre ce que cela signifie dans la réalité, donnons quelques comparaisons.

Pour les États-Unis, pendant la quatrième vague, 131.276 (732.634 – 601.358) Américains sont morts du COVID-19. C'est 2,46 fois plus que les Américains qui sont morts en combattant pendant la première guerre mondiale (53.402), presque la moitié (45%) de ceux qui sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale (291.557), 3,88 fois plus que ceux qui sont morts au combat pendant la guerre de Corée (33.686), 2,76 fois plus que ceux qui sont morts en combattant pendant la guerre du Vietnam (47.434) (Wikipedia, Victimes militaires américaines de la guerre). Et ceci pour la moins meurtrière des trois dernières vagues de COVID-19.

Comparaison du nombre total de décès (toutes causes confondues) pour les Etats-Unis au cours de leurs guerres les plus meurtrières avec les morts américains du fait de la pandémie de COVID-19 (jusqu'au 7 nov. 2021) - (Sources : voir texte).

Bien entendu, l'importance relative des guerres par rapport aux vagues pandémiques varie selon les pays. Toutefois, compte tenu de l'influence des États-Unis dans le monde en tant que superpuissance, il est essentiel de comprendre que le COVID-19 a été jusqu'à présent plus meurtrier pour les États-Unis que toute autre guerre qu'ils ont menée dans le monde.

Le COVID-19 a tué plus d'Américains que la Seconde Guerre mondiale, laquelle a vu 405.399 américains périr (toutes causes de décès confondues - Wikipedia, ibid.). La pandémie a même été plus meurtrière que la guerre de Sécession (1861-1865), le conflit le plus meurtrier que les Etats-Unis aient connu jusqu'à présent. Le nombre de décès est estimé à 655.000 pour cette guerre, alors qu'au 7 novembre 2021, la pandémie de COVID-19 a tué 752.196 Américains (Données du CDC, 7 novembre 2021).

Un modèle pour la létalité des vagues ?

Que pouvons-nous déduire de la létalité des quatre premières vagues de COVID-19 ? Y a-t-il un schéma et une évolution qui se dessinent et qui pourraient nous aider à évaluer la létalité pour l'avenir et plus particulièrement pour la cinquième vague ?

En ce qui concerne la létalité, la périodicité et la longueur des vagues sont beaucoup moins régulières que celles des infections. De même, la relation entre, d'une part, la vague d'infections et, d'autre part, son impact, le nombre de personnes décédées, est également irrégulière.

Les principales raisons pour ces différences et irrégularités résident probablement notamment dans les capacités très diverses des systèmes de santé selon les pays, ainsi que dans l'hétérogénéité du type, de la disponibilité, et de la diffusion des traitements pharmaceutiques et des vaccins.

Si nous ne tenons pas compte de la réalité très probable de la troisième vague en Inde par rapport aux estimations officielles - ce qui est un immense si - alors, depuis la deuxième vague, nous constatons une diminution globale de la létalité des vagues de COVID-19.

La tendance globale pour les trois dernières vagues tendrait à indiquer une diminution de la hauteur des vagues - les pics de décès quotidiens sont successivement plus bas pour chaque vague, et les creux des vagues sont également de plus en plus bas. Une fois de plus, les raisons de cette diminution globale des décès sont très probablement un mélange d'amélioration des traitements médicaux et des capacités des systèmes de santé à gérer la maladie, alors que la vaccination se diffuse.

Ainsi, en observant cette tendance générale, nous pourrions commencer notre évaluation avec, comme base de référence, une vague de décès qui dure jusqu'à la fin de la vague d'infections, c'est-à-dire autour du 20 février 2022 et qui atteint un pic entre le 20 décembre 2021 et le 20 janvier 2022. Si la tendance favorable vers des vagues moins meurtrières de la pandémie se poursuit, nous pourrions avoir un pic autour de 50% de la vague précédente, soit 5.858 décès, et un creux autour de 50% de la vague précédente, soit 2.034 décès.

Cependant, la réalité de l'impact du variant Delta en Inde ne peut être ignorée. Cela souligne avec force que nos efforts collectifs mondiaux doivent être dirigés vers la prévention de l'émergence et de la propagation des "variants of concern" (VoC - variants préoccupants). Ils constituent en effet un facteur majeur de létalité.

Du fait de notre incapacité totale à anticiper l'émergence de nouveaux VoC, à part savoir que plus le virus circule, plus la probabilité d'émergence d'un VoC est grande, il est difficile d'évaluer à l'avance la létalité d'une vague. Néanmoins, comme nous l'avons vu, le contrôle des frontières à travers le monde, et notamment aux Etats-Unis, est en train de se relâcher (cf. Vers une cinquième vague de Covid-19 ?The Red Team Analysis, Society; Reuters, "What you need to know about the new U.S. international air travel rules", 7 novembre 2021). Cela augmente donc considérablement la probabilité de voir un VOC émerger et se répandre, même si nous pouvons espérer que cela arrive après la cinquième vague.

En sus des VoCs, si nous supposons que les capacités des systèmes de santé et les pratiques médicales restent constantes, les facteurs les plus susceptibles d'influencer la létalité de la cinquième vague de COVID-19 sont la disponibilité de nouveaux traitements, la vaccination et la durée de l'immunité induite, comme nous allons le voir maintenant.

Facteurs influençant la létalité des vagues pandémiques de COVID-19

Trop tôt ou juste à temps pour les nouveaux traitements antiviraux ?

En octobre et novembre 2021, deux nouveaux traitements antiviraux, faciles à administrer, ont fait leur apparition. Quels sont ces traitements ? Sont-ils les traitements anti-COVID-19 qui nous permettront de vaincre enfin la pandémie ?

Monulpiravir (Lavgevrio en Grande-Bretagne)

Les sociétés américaines Merck & Co Inc et Ridgeback Biotherapeutics ont développé une nouvelle pilule antivirale à partir de la molécule molnupiravir. Elle a été autorisée au Royaume-Uni le 4 novembre 2021 sous le nom de Lavgevrio et pourrait avoir un impact positif sur la létalité (Pushkala Aripaka, "Britain approves Merck’s COVID-19 pill in world first“, Reuters, 5 novembre 2021).

Comme expliqué dans la vidéo ci-dessous, les pilules de Merck visent à "introduire des erreurs dans le code génétique du virus" et génèrent ainsi des mutations aléatoires (Deena Beasley, "Explainer: How does Merck’s COVID-19 pill compare to Pfizer’s?“, Reuters, 8 novembre 2021). On pense également que, de ce fait, les variants préoccupants n'évolueront pas, car les mutations sont aléatoires (ibid.).

Au début probable de la cinquième vague de COVID-19, nous ne disposons que des résultats de l'essai de phase 3 de la société, issus d'une "analyse intermédiaire planifiée [qui] a évalué les données de 775 patients" (Merck, Communiqué de presse du 1er octobre 2021). Selon l'entreprise, si "les patients adultes à risque, non hospitalisés présentant un COVID-19″ léger à modéré reçoivent deux fois par jour quatre pilules pendant cinq jours dans les cinq jours suivant l'apparition des symptômes, alors " le molnupiravir réduit le risque d'hospitalisation ou de décès d'environ 50% " (Ibid ; Aripaka, "Britain approves Merck’s COVID-19 pill in world first“, Reuters, 5 novembre 2021 ; Deena Beasley, "Explainer: How does Merck’s COVID-19 pill compare to Pfizer’s?“, Reuters, 8 novembre 2021).

La vidéo très intéressante de Le Dr Seheult de Medcram aide à mieux comprendre le nouveau traitement, son fonctionnement et les essais.

La pilule COVID de Merck (Molnupiravir) : Une nouvelle option thérapeutique ? (Coronavirus Update 130) par le Dr Seheult de Medcram - 20 octobre 2021

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Qui plus est, la manière dont la Grande-Bretagne utilisera les pilules est encore expérimentale (Aripaka, ibid.). Enfin, les données de sécurité du médicament ne sont pas publiques pour l'instant. (Aripaka, ibid.).

Paxlovid de Pfizer

Le médicament de Pfizer, lequel n'est pas encore autorisé au 8 novembre 2021, a été annoncé par la société le 5 novembre 2021. (Pfizer, Communiqué de presse). Il sera commercialisé sous le nom de Paxlovid (Ibid.).

La molécule active, utilisée en association avec un antiviral plus ancien, le ritonavir, "fait partie d'une classe connue sous le nom d'inhibiteurs de protéase, conçue pour bloquer une enzyme dont le coronavirus a besoin pour se multiplier. Pfizer a déclaré que, comme le médicament cible une partie du virus essentielle à sa réplication, l'agent pathogène ne peut pas devenir résistant au traitement". (Beasley, "Explicatif", Ibid.).

L'essai de phase 2/3 de Pfizer "Evaluation of Protease Inhibition for COVID-19 in High-Risk Patients" a commencé son recrutement en juillet 2021, et deux autres études, l'une pour les patients à risque standard et l'autre pour la prophylaxie post-exposition sont toujours en cours (Pfizer, Communiqué de presse, 5 November 2021). "L'analyse primaire de des données intermédiaires a évalué les données de 1 219 adultes inscrits au 29 septembre 2021.(Ibid.) L'évaluation de sécurité a utilisé une cohorte plus large de 1881 patients et se poursuit. (Ibid.).

Selon Pfizer, pour les patients à haut risque, on a constaté que le médicament réduisait le risque d'hospitalisation ou de décès de 89% s'il était administré dans les trois jours suivant l'apparition des symptômes et de 85% s'il était administré dans les cinq jours (Ibid.). Le schéma thérapeutique de Pfizer consiste en trois pilules le matin et trois pilules le soir (Beasley, "Explicatif", Ibid.).

Trop tôt pour un impact global sur la cinquième vague ?

Les résultats du médicament de Pfizer sont donc bien meilleurs que ceux des pilules de Merck, et comme ils impliquent moins de doses, ils pourraient être plus facilement disponibles. Cependant, comme pour Merck, il n'existe pas d'études indépendantes; le nombre de patients ayant utilisé les pilules est faible et les essais sont si récents que les effets secondaires, notamment à moyen et long terme, peuvent difficilement être connus avec certitude.

Il est donc trop tôt pour envisager une utilisation généralisée et mondiale de ces médicaments et pour prendre en compte leur impact. En outre, pour envisager un tel impact mondial, il faudrait également tenir compte de la fabrication.

Il faudra suivre de près ce qui se passe au Royaume-Uni concernant l'utilisation du Molnupiravir.

Mais la panique conduit les autorités politiques à écarter le principe de précaution

Néanmoins, il faut aussi noter que des pays, comme l'Indonésie ainsi que "les États-Unis, la Malaisie, la Corée du Sud, Singapour, la Thaïlande et les Philippines", se pressent pour autoriser et précommander les traitements de Merck, et très probablement ceux de Pfizer (Reuters, “Indonesia reviewing Merck COVID-19 pill, up to 1 mln doses targeted", 8 novembre 2021 ; Merck, Communiqué de presse du 1er octobre 2021; News, Pfizer. Ibid.).Ces médicaments pourraient donc avoir des impacts - positifs et négatifs - plus tôt que ce que la prudence et la sécurité exigeraient.

Il convient de souligner ici une nouvelle fois que, généralement, la découverte d'un nouveau médicament et surtout son expérimentation prennent beaucoup plus de temps que ce qui a été fait dans les deux cas des pilules antivirales, par exemple les 3 mois d'essai de phase 2/3 pour Pfizer, comme nous l'avons souligné dans notre précédent article "Traitements antiviraux du COVID-19 et scénarios“:

Une fois découvert, le nouveau médicament potentiel devra passer par tout le processus d'essai et de développement, y compris les essais cliniques (par ex. Découverte et développement de médicaments dans l'UEU.S. Biopharmaceutical Research & Development).

Classiquement - c'est-à-dire lorsque nous ne sommes pas en mode d'urgence - ce processus prend 10 à 15 ans (Drug discovery, Ibid.) comme le montre l'image ci-dessous :

Hélène Lavoix, Traitements antiviraux du COVID-19 et scénarios", The Red Team Analysis Society, 30 mars 2020.
Découverte et développement de médicaments dans l'UE
EU Drug Discovery and Development, p.11.

Ici, les phases des essais cliniques ont été extraordinairement réduites. Si tout se passe bien, alors tout sera parfait et l'optimisme triomphera. Dans le cas contraire, nous pourrions être confrontés à une catastrophe tragique, voire à des catastrophes multiples. La règle en matière de prospective stratégique et d'alerte précoce est de toujours envisager des scénarios à fort impact, même si le scénario est peu probable, par exemple en élaborant des scénarios de type "wild cards/jokers" (voir Cours sur les scénarios). C'est ce qu'il faudrait impérativement faire ici.

En attendant, la fabrication de ces médicaments ne fait que commencer. Cependant, Merck affirme qu'il pourrait avoir fabriqué 10 millions de cures de son traitement d'ici la fin de 2021 et davantage pour 2022, au moins 20 millions selon Beasley pour Reuters (Merck, Communiqué de presse du 1er octobre 2021; Beasley, "Explicatif", Ibid.). Pour sa part, Pfizer aurait 180.000 cures prêtes d'ici la fin de 2021, et 50 millions d'ici la fin de 2022 (Beasley, "Explicatif", Ibid.). Ainsi, si toutes ces annonces sont correctes et qu'aucune mauvaise surprise n'émerge, alors les formes graves et les décès dûs au COVID-19 pourraient être considérablement réduits (au moins de 50%) pour les pays prenant ces médicaments, avant la fin de la cinquième vague.

Nous devrions considérer l'utilisation généralisée de ces pilules, dans un premier temps, comme une aberration (outlier), mais la surveiller néanmoins de près.

Pour l'instant, pour la cinquième vague, la vaccination reste le facteur majeur à considérer comme pouvant modifier la létalité de cette vague.

Vaccination, immunité et létalité

Si nous voulons avoir une meilleure évaluation de la létalité de la cinquième vague de COVID-19, nous devons donc prendre en compte la vaccination, ses dynamiques et ses effets.

Sécurité de la troisième dose

Notez que nous supposerons ci-dessous qu'il n'y a pas d'effets secondaires graves ni de problèmes de sécurité à moyen ou long terme pour la troisième dose de vaccin. L'existence ou l'absence de tels problèmes de sécurité est jusqu'à présent inconnue. Israël a autorisé l'administration de l'"injection de rappel" le 30 juillet 2021 et a été le premier pays à le faire (Yinon M. Bar-On, "Protection of BNT162b2 Vaccine Booster against Covid-19 in Israel", le 7 octobre 2021, N Engl J Med, 2021 ; 385:1393-1400, DOI : 10.1056/NEJMoa2114255). Il est donc trop tôt pour savoir s'il y a des effets négatifs à moyen ou long terme.

A court terme, selon la surveillance continue du CDC américain (les Etats-Unis ont commencé à administrer les rappels le 12 août 2021), la plupart des effets rapportés sont similaires à ceux des premières doses ("Fièvre, maux de tête, fatigue et douleur au site d'injection sont les effets secondaires les plus fréquemment rapportés"). Ils sont estimés comme "légers à modérés" (pour 92% à 94% des cas). Néanmoins, 6% des cas ont été étiquetés comme "graves" ("réactions signalées après avoir reçu une injection de rappel", sur les données "du 12 août au 10 octobre 2021 pour les personnes âgées de 12 ans et plus").

Quand l'immunité vaccinale diminue

Pour notre objectif, évaluer la létalité de la cinquième vague, la plupart des statistiques agrégées disponibles sont difficiles à utiliser. En effet, ces statistiques ont été créées pour suivre la "course à la vaccination" initiale, qui eut lieu au cours du premier semestre 2021. Elles ont donc tendance à montrer principalement le pourcentage d'une population ayant reçu une dose ou deux doses de vaccins, en utilisant parfois le critère plus pertinent de schéma vaccinal complet. Ces statistiques comparent ensuite les pays.

Cependant, ce qui nous importe, ce n'est pas seulement la proportion de la population qui bénéficie d'un programme de vaccination complet, ni le degré d'avancement ou de retard d'un pays par rapport aux autres, mais aussi le moment où la vaccination a eu lieu et pour quelle proportion de la population.

Expliquons plus en détail pourquoi cela est important.

L'immunité vaccinale diminue "considérablement" six mois après le schéma vaccinal complet

Comme nous l'avons vu dans l'article précédent, comme le montre le cas d'Israël, et comme l'admettent aujourd'hui la plupart des gouvernements lorsqu'ils soulignent la nécessité d'une troisième dose, l'immunité induite par de nombreux vaccins contre le COVID-19 s'estompe avec le temps. Ce déclin se produit certainement après six mois, et même peut-être avant selon les vaccins (par exemple, US CDC “Infections in fully vaccinated persons: clinical implications and transmission” in Science Brief: COVID-19 Vaccines and Vaccination – mise à jour 15 septembre 2021; Matthew Loh et Hilary Brueck, "Pfizer’s COVID-19 protection against infection may wane in months, but it still prevents hospitalization and death for at least 6, new studies suggest“, Insider, 8 octobre 2021).

C'est également vrai pour le vaccin chinois CoronaVac de Sinovac, les scientifiques ayant montré que l'immunité tombe après six mois. Une étude chinoise a conclu :

" Notre étude a révélé qu'un calendrier de vaccination à deux doses de CoronaVac (formulation de 3 μg) générait une bonne mémoire immunitaire. Bien que le titre d'anticorps neutralisants ait chuté à des niveaux faibles 6 mois après la deuxième dose, une troisième dose a été très efficace pour rappeler une réponse immunitaire spécifique au SRAS-CoV-2, entraînant un rebond significatif des taux d'anticorps. "

Hongxing Pan et al. "Immunogenicity and safety of a third dose, and immune persistence of CoronaVac vaccine in healthy adults aged 18-59 years: interim results from a double-blind, randomized, placebo-controlled phase 2 clinical trial“, medRxiv, 25 juillet 2021."

Étant donné qu'une proportion si importante de la population mondiale utilise le CoronaVac chinois, lequel est administré dans 26 pays et fait partie du dispositif mondial COVAX, les résultats de Hongxing Pan et al. sont essentiels en termes de létalité globale de la cinquième vague, ainsi que, potentiellement, pour les prochaines.

Mise à jour du 25 novembre 2021: Selon des études menées en Israël, une troisième dose administrée à 5 mois est très efficace pour augmenter la protection contre l'hospitalisation, les formes graves de COVID 19 et le décès, par rapport à deux doses administrées au moins cinq mois auparavant. Par exemple :

" L'efficacité du vaccin évaluée au moins 7 jours après la réception de la troisième dose, par rapport à la réception de deux doses seulement depuis au moins 5 mois, a été estimée à 93% (231 événements pour deux doses.... vs 29 événements pour trois doses ; 95% CI 88-97) pour l'admission à l'hôpital, 92% (157 vs 17 événements ; 82-97) pour la maladie grave, et 81% (44 vs sept événements ; 59-97) pour les décès liés au COVID-19".

Noam Barda, MD et al, "Efficacité d'une troisième dose du vaccin COVID-19 à ARNm BNT162b2 pour la prévention des issues graves en Israël : une étude observationnelle“, The Lancet,
Publié :29 octobre 2021, DOI:https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)02249-2

Il aurait été intéressant d'avoir des études similaires vérifiant plus précisément quand le schéma complet de vaccination a eu lieu (il y a 5 mois, 6 mois, 7 mois par exemple) pour avoir une meilleure compréhension du renforcement de l'immunité d'une part, de son déclin d'autre part. Les calculs ci-dessous sont faits sur la base d'un délai de 6 mois pour une injection de rappel impérativement nécessaire et non de 5 mois. Si jamais le déclin vraiment dangereux se généralisait à 5 mois, alors les résultats ci-dessous doivent être adaptés en conséquence, la charge et les risques sont accrus.

Diminution de l'immunité après six mois et impact sur la létalité d'une vague

Ainsi, pour estimer la létalité de la cinquième vague, il faut considérer qu'à environ 180 jours après la vaccination complète, parce que les niveaux d'anticorps auront fortement diminué, la sévérité et la létalité du COVID-19 tendra de nouveau vers des niveaux " similaires " à ceux que l'on connaîtrait sans vaccination. Nous ne savons pas à quelle vitesse se produira le retour à la létalité initiale du COVID-19. Nous ne connaissons pas la proportion de la population qui sera à risque et à quel moment. Ces deux aspects sont néanmoins suffisamment significatifs, compte tenu des études et de ce qui s'est passé en Israël (cf. l'article précédent).

Cependant, lorsqu'une troisième dose est administrée, la protection renforcée contre la gravité et la létalité du COVID-19 revient, pour une durée inconnue. Nous ne saurons que si la durée de l'immunisation après la troisième dose est supérieure à six mois, au plus tôt de fin janvier à mi-février 2022, car les troisièmes doses ont commencé à être administrées en Israël le 30 juillet 2021 et aux Etats-Unis le 12 août 2021 (Ibid., CDC note 2), en supposant qu'aucun autre variant préoccupant n'émerge et se propage.

Nous avions alerté au sujet des principales incertitudes relatives à la durée de l'immunité et à son impact sur l'idée d'immunité collective, ainsi que sur la nécessité d'un suivi vaccinal dans notre article "La vaccination contre le COVID-19, espoir ou mirage ?" en octobre 2020. Sachant qu'en cas d'incertitude critique, la méthodologie correcte est de surveiller l'évolution des facteurs clés et, de préférence, de créer des scénarios, les autorités politiques et sanitaires ne devraient pas être surprises par la réalité de la situation actuelle. Si un acteur se trouve donc surpris par l'évolution actuelle, cela signifie qu'il doit réviser de toute urgence son système d'alerte précoce (voir, sur le sujet, formation et cours en ligne).

La baisse de l'immunité vaccinale, quel impact sur la létalité d'une vague ? Le cas des États-Unis.

Nous savons maintenant qu'il y aura un impact, qu'il se produira après six mois et qu'il aurait dû être surveillé. Cependant, quelle pourrait être l'ampleur de cet impact ?

Nous sommes dans le domaine des tendances car nous ne savons pas exactement comment cette dynamique fonctionne.

Les chiffres du Financial Times que nous utilisons ici, car ils fournissent les séries historiques multipays dont nous avons besoin, prennent en compte toutes les vaccinations, quel que soit l'âge. Les moins de 18 ans sont inclus de façon croissante dans ces statistiques de vaccination, mais comme ces vaccinations spécifiques (par tranches d'âges) varient selon les pays et les dates, des distorsions peuvent être introduites lorsqu'on essaie d'évaluer la létalité.

Nous sommes donc ici plutôt dans le domaine des estimations brutes. D'autres recherches détaillées au niveau des pays seraient nécessaires. Il est néanmoins intéressant de regarder avec attention ce qui pourrait se passer.

Par exemple, les États-Unis ont vacciné entre 8,6% de leur population le 5 mars 2021 et 40,6 % le 1er juin (Données du Financial Times - tous les âges). Ainsi, en utilisant l'intervalle 180 jours/six mois, cela signifie que le 5 septembre 2021, 8,6% de sa population devait recevoir une troisième dose ou risquait de nouveau une forme grave du COVID-19 et la mort. Au 1er décembre 2021, c'est 40,6% de la population, quel que soit l'âge, qui devra avoir reçu une troisième dose.

Continuons avec les États-Unis. Le pays a commencé à administrer la 3e dose le 12 août 2021. Le 4 novembre 2021, 11,9% des Américains de plus de 18 ans entièrement vaccinés (11,1% pour la population totale vaccinée) avaient reçu leur troisième dose (Statistiques du CDC). Si la limite de 6 mois pour l'immunité est correcte, nous devrions regarder le nombre de personnes vaccinées six mois avant le 4 novembre 21, c'est-à-dire le 4 mai, pour avoir une idée de l'écart entre ceux qui ont reçu leur 3ème dose et ceux qui auraient dû la recevoir. Cet écart représente les personnes qui sont confrontées à des risques accrus de maladie grave et de décès, si elles sont infectées par le SRAS-CoV-2. Le 4 mai 2021, 31,7% des Américains étaient complètement vaccinés. Par conséquent, le 4 novembre 2021, si l'on se base sur les chiffres totaux, 20,6% (31,7 - 11,1) des Américains sont à nouveau confrontés à une augmentation rapide des risques de maladie grave ou de décès. En fait, cette estimation devrait être révisée par catégories de population (âge, comorbidité, etc.).

Ainsi, le 4 novembre 2021, le nombre total d'Américains réellement protégés par la vaccination n'est que de 37,6% (58, 2 - 31, 7 + 11,1).

Cela arrive alors que le pays ouvre ses frontières, notamment aux voyages aériens (voir Vers une cinquième vague de Covid-19 ?The Red Team Analysis, Society; Reuters, "What you need to know about the new U.S. international air travel rules", 7 novembre 2021).

Notons que si l'on utilise la proportion d'Américains de plus de 18 ans pour le niveau actuel de vaccination et de rappels, on obtient une couverture plus importante de 50,1% (69,9 - 31,7 + 11,9). Ce chiffre est cependant probablement incorrect car le chiffre historique pour le mois de mai donné par le FT concerne le total des personnes vaccinées, indépendamment de l'âge.

Les États-Unis entament donc la cinquième vague avec 30,1% de leur population de plus de 18 ans qui n'est pas du tout vaccinée et 20,6% de la population américaine totale vaccinée confrontée à de nouveaux risques. Ces derniers, en outre, peuvent se laisser bercer par un sentiment de fausse sécurité. Au 1er décembre, comme on l'a vu, ce seront 40,6% de personnes vaccinées qui auront besoin d'une dose de rappel, sachant que le 4 novembre, seules 11,1% en avaient reçu une. Ce sont donc 29,5% qui auront besoin d'une dose de rappel. Ces chiffres évolueront avec le temps, au fur et à mesure que les personnes recevront une troisième dose. Nous sommes néanmoins loin d'une quelconque immunité de groupe.

Voyons maintenant ce qui s'est passé aux États-Unis pendant la quatrième vague (du 20 juin au 20 octobre 2021). La quatrième vague a apparemment commencé avec 44,7% personnes vaccinées et a terminé avec 56,4% personnes vaccinées. On peut donc penser qu'il y a une amélioration. Cependant, il faut tenir compte des personnes vaccinées qui ont vu leur immunité induite par la vaccination diminuer au fur et à mesure de la quatrième vague. Ces personnes qui ont recommencé à être à risque sont celles qui avaient été totalement vaccinées entre le 20 janvier (n.d. ; moins de 8,6%) et le 20 avril (25,8%) moins celles qui avaient reçu une dose de rappel.

Les Américains réellement protégés lors de la quatrième vague sont passés de 44,7% (moins un nombre inconnu) le 20 juin à 44% (52,5 - 8,5% le 5 mars) plus ceux ayant reçu leur dose de rappel le 5 septembre, à 30,6 % (56,4 - 25,8) plus ceux ayant reçu leur dose de rappel le 20 octobre (dans le cadre d'un article en accès libre, il n'est pas possible de donner des chiffres plus précis).

Par conséquent, au cours de la quatrième vague, 131.276 (732.634 – 601.358) Américains sont morts du COVID-19.

Supposons que cela corresponde à une protection moyenne de 45%. Si nous imaginons que les États-Unis vont à la fois augmenter légèrement la vaccination de la population et accélérer les rappels, nous pourrions prendre une protection moyenne de 50% pour la cinquième vague, nous aurions alors 119.341 décès. Plus les troisièmes doses seront administrées et plus les personnes non vaccinées seront complètement vaccinées, plus le chiffre réel sera bas.

Toutefois, nous ne pouvons utiliser ce type d'estimation brute que si les infections n'augmentent pas. Compte tenu de l'ouverture des frontières et des voyages (ibid.), de la diminution des interventions non pharmaceutiques et peut-être du sentiment que la pandémie est terminée, il est possible, pour ne pas dire très probable, que le nombre de décès s'aggrave.

Vaccination et baisse de l'immunité, faut-il s'inquiéter de la létalité mondiale de la cinquième vague ?

Il ressort clairement de l'exemple des États-Unis qu'il serait vain d'essayer de chiffrer la létalité de la cinquième vague mondiale sans entrer dans de longues simulations. Nous pouvons néanmoins évaluer si nous devons nous inquiéter ou non.

Si nous regardons à nouveau Israël, entre le 20 juin et le 25 octobre 2021, les décès cumulés sont passés de 6.427 à 8.049, c'est-à-dire que 1.622 personnes sont mortes au cours de la quatrième vague. Comparativement, au cours de la vague précédente (21 novembre 20 - 21 avril 20), 3.550 personnes sont mortes (6.346 - 2.796 - 3.622, Our World in Data). Ainsi, la vaccination avec une immunité déclinante, mais avec certaines mesures non pharmaceutiques comme le rétablissement rapide du masque, et avec des frontières restant fermées, a conduit à une vague moins létale que précédemment par 54%.

À partir des cas israélien et américain, nous pouvons déduire que même si nous sommes très optimistes, nous devons néanmoins nous inquiéter de la cinquième vague.

Israël, un pays doté d'un niveau élevé de vaccination, d'un système médical très performant, d'une politique très réactive en matière d'intervention non pharmaceutique et d'une population peu nombreuse, a réussi à réduire de moitié seulement les décès causés par le virus lorsque la quatrième vague l'a frappé.

Les États-Unis, pour leur part, se focalisent fortement sur la vaccination, mais ont le plus grand nombre de décès dans le monde causés par la pandémie, notamment en raison d'une relation à la prudence politiquement biaisée. Ses perspectives pour la cinquième vague sont donc que beaucoup d'Américains vont encore mourir, probablement plus de 100.000, surtout si les frontières sont ouvertes de façon inconséquente.

Or, si l'on considère que le taux de vaccination dans le monde est encore très faible (2,994 milliards au 4 novembre 21, soit 37,89%), dont un nombre inconnu est déjà susceptible de retomber gravement malade et de mourir, les perspectives ne peuvent être très bonnes. Nous devrions nous préparer à affronter à nouveau une vague à létalité élevée (par rapport à l'absence de pandémie), notamment en raison de la réouverture des frontières.

Globalement, en termes de vaccination, un immense effort doit encore être fait pour vacciner complètement plus de 60% de la population mondiale. Or, la vaccination pour la 3e dose doit, dans le même temps, être mise en œuvre pour les personnes déjà totalement vaccinées, et cela dès que l'on atteint 6 mois après la dernière injection. L'effort à fournir reste donc immense.

L'évaluation initiale faite à partir des 2e, 3e et 4e vagues était probablement trop optimiste, notamment parce que, pour les premières vagues, les frontières étaient fermées. Ce n'est plus cette orientation qui prévaut encore à l'aube de la cinquième vague.

Un obstacle de plus

Pour les pays qui ont déjà mis en œuvre une politique de vaccination, un obstacle supplémentaire peut exister, qui pourrait accroître la létalité.

Si les gouvernements ont incité leurs citoyens à se faire vacciner en leur promettant la fin de la pandémie et un retour à la période pré-pandémique, ces citoyens peuvent développer diverses réactions indésirables.

Ils peuvent ne pas croire qu'une troisième dose est vraiment nécessaire, compte tenu du biais appelé "persévérance des croyances" ou "persistance des preuves discréditées" (voir la formation et cours en ligne: "mitigating biases" ou "analytical modeling"). Ils peuvent ainsi être la proie des théories du complot. Ils peuvent également ne pas adopter un comportement approprié pour se protéger et protéger les autres.

Si les citoyens se rendent compte que la connaissance relative à l'affaiblissement de l'immunité après 6 mois était facilement disponible ou aurait pu être anticipée, alors qu'ils ont reçu un message contraire, ils peuvent alors penser que leur gouvernement est soit incompétent, soit menteur. Dans les deux cas, c'est une très mauvaise nouvelle pour la légitimité et la capacité dudit gouvernement à mettre en œuvre toute politique, y compris une campagne de vaccination de masse pour la troisième dose, ou toute autre campagne d'intervention non pharmaceutique.

Ainsi, selon les pays et selon le type de politiques utilisées pour la campagne de vaccination pour les deux premières doses, la cinquième vague peut devenir plus ou moins mortelle.

Conclusion

D'une manière générale et à l'échelle mondiale, la létalité, malgré les efforts déployés, risque fort de se poursuivre jusqu'à ce que la vaccination procure une immunité durable et prévienne également les infections. Nous devrions être d'autant plus inquiets que les risques d'émergence de nouvelles variants préoccupants restent élevés, comme on l'a vu (article précédent).

Les nouveaux traitements peuvent modifier complètement ces perspectives. Cependant, les risques liés à une large diffusion de ces traitements sont également très élevés, même s'ils ne se concrétisent que beaucoup plus tard.

Par conséquent, moins les frontières seront ouvertes sans tenir compte des 180 jours d'immunité, plus les interventions non pharmaceutiques, notamment les masques et les quarantaines, seront opérationnelles et rétablies avec souplesse, moins la cinquième vague sera meurtrière.

Publié par Dr Helene Lavoix (MSc PhD Lond)

Dr Hélène Lavoix est présidente et fondatrice de The Red Team Analysis Society. Elle est titulaire d'un doctorat en études politiques et d'une maîtrise en politique internationale de l'Asie (avec distinction) de la School of Oriental and African Studies (SOAS), Université de Londres, ainsi que d'une maîtrise en finance (major de promotion, Grande École, France). Experte en prospective stratégique et en alerte précoce, notamment pour les questions de sécurité nationale et internationale, elle combine plus de 25 ans d'expérience en relations internationales et 15 ans d'expérience en prospective stratégique et en alerte. Elle a vécu et travaillé dans cinq pays, effectué des missions dans quinze autres et formé des officiers de haut niveau dans le monde entier, notamment à Singapour et dans le cadre de programmes européens en Tunisie. Elle enseigne la méthodologie et la pratique de la prospective stratégique et de l'alerte précoce, travaillant dans des institutions prestigieuses telles que le RSIS à Singapour, SciencesPo-PSIA, ou l'ESFSI en Tunisie. Elle publie régulièrement sur les questions géopolitiques, la sécurité de l'uranium, l'intelligence artificielle, l'ordre international, la montée en puissance de la Chine et d'autres sujets liés à la sécurité internationale. Engagée dans l'amélioration continue des méthodologies de prospective et d'alerte, Mme Lavoix combine expertise académique et expérience de terrain pour anticiper les défis mondiaux de demain.

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