La guerre en Ukraine est en train de se transformer d'une guerre entre la Russie et l'Ukraine en une guerre qui implique les membres de l'OTAN soutenant l'effort de guerre en Ukraine (Darlene Superville et Zeke Miller, "Les États-Unis renforcent leur présence militaire en Europe face à la menace russe”, APNews, 29 juin 2022).
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Cette situation génère des tensions stratégiques entre l'OTAN et la Russie qui se répercutent dans l'Arctique. L'un des principaux effets stratégiques de la guerre en Ukraine est la décision de la Suède et de la Finlande d'adhérer à l'OTAN. Il se trouve que la décision suédoise et finlandaise d'adhérer à l'OTAN déclenche une réaction turque fortement négative (Abdullah Bozkurt, "Le plan "diviser pour mieux régner" de la Turquie à l'égard de la Suède et de la Finlande dans le cadre de leur candidature à l'OTAN a échoué.”, Moniteur nordique, 8 juin 2020) .
Ces tensions s'inscrivent dans le cadre du réchauffement rapide de la région, une variable puissante qui déstabilise les équilibres géopolitiques régionaux et internationaux de l'Arctique (Jean-Michel Valantin, "L'Ouest est-il en train de perdre le réchauffement de l'Arctique ?”, The Red Team Analysis Society, 7 décembre 2020).
Par ailleurs, l'Arctique est déjà traversé par des tensions proliférantes entre la Russie et l'OTAN depuis 2018. Elles se produisent à travers la multiplication, par les membres russes comme par ceux de l'OTAN, des exercices militaires maritimes et aériens, des tests de systèmes d'armes et des manœuvres (Thomas Nilsen, "Trois nations, une mission - La nouvelle OTAN dans le Nord”, L'Observateur indépendant de Barentsle 3 juin 2022 et "La marine russe a lancé un missile hypersonique depuis la mer de Barents”, L'Observateur indépendant de Barents28 mai 2022). Pendant ce temps, les manœuvres de l'OTAN dans l'Arctique interagissent avec la militarisation russe de la région.
Cependant, l'extension des tensions dans l'Arctique générées par la guerre en Ukraine a des ramifications bien plus profondes et plus importantes. Au cours des dix dernières années environ, la Russie a développé la "route maritime du Nord". Ce nouveau corridor maritime relie le détroit de Béring à la Norvège et à l'Atlantique Nord.
Le développement de cette nouvelle route résulte du réchauffement rapide de la région arctique. C'est donc l'une des façons dont la Russie s'adapte stratégiquement au changement climatique (Jean-Michel Valantin, "Vers une guerre entre les États-Unis et la Chine ? (1) et (2) : Tensions militaires dans l'Arctique”, The Red Team Analysis Society16 septembre 2019).
Il se trouve que la route de la mer du Nord attire un nombre croissant de convois chinois. En utilisant cette route, les navires et pétroliers chinois atteignent l'Atlantique Nord, faisant de la Chine une puissance économique de l'Atlantique Nord. Parallèlement, le développement énergétique de l'Arctique russe sert de modèle à de nombreuses coentreprises sino-russes dans le domaine du pétrole et du gaz offshore (Jean-Michel Valantin, "La Chine arctique : Vers de nouvelles guerres du pétrole dans un Arctique en réchauffement ?”, The Red Team Analysis Society14 septembre 2020). Dans le même temps, la Russie exporte des volumes croissants de pétrole et de gaz arctiques vers la Chine et l'Inde.
Ces multiples dynamiques croisées signifient que les tensions que la guerre en Ukraine génère dans l'Arctique ont lieu dans un environnement déjà turbulent sur le plan géopolitique et géophysique. Cependant, ce qui se passe dans l'Arctique ne reste pas dans l'Arctique. Ainsi, nous allons étudier les différentes dimensions de ces nouvelles tensions et la manière dont elles interagissent avec les changements de l'Arctique en cours de réchauffement.
De l'Ukraine au réchauffement de l'Arctique
Les conséquences politiques de la guerre en Ukraine se propagent du champ de bataille à l'équilibre régional arctique. En effet, le 18 mai 2022, la Suède et la Finlande, pays neutres, ont réagi à l'offensive russe en Ukraine en demandant officiellement à adhérer à l'OTAN (Steven Lamy, "L'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN est l'exact opposé de ce que Poutine voulait pour les voisins de la Russie.”, The Conversation, 21 juin 2022).
Ce mouvement bouleverse radicalement les équilibres stratégiques régionaux de l'Arctique. En effet, depuis la fin de la guerre froide, la fédération russe s'oppose à l'expansion de l'OTAN en Europe de l'Est et du Nord. De plus, la Suède et la Norvège sont des pays neutres. Ils évitent ainsi le statut de " marteau et enclume ", c'est-à-dire d'être pris entre les intérêts de l'OTAN et les intérêts sécuritaires de la Russie.
L'"insécurité nationale" de la Finlande et la peur de la Suède
La décision finlandaise s'appuie sur une procédure parlementaire régulière. Elle fait également suite à un changement massif de l'opinion publique. En effet, en janvier 2022, seuls 24% des citoyens finlandais étaient en faveur d'une adhésion à l'OTAN. Le 28 février, 4 jours après le début de l'offensive russe en Ukraine, 68% des Finlandais étaient en sa faveur. Ce changement peut s'expliquer par le contexte historique de la Finlande (Steven Lamy, ibid).
Il faut se rappeler que, pour la Finlande, l'expérience collective du vingtième siècle est définie par ses deux guerres sanglantes avec la Russie. La première a eu lieu en 1918. À cette époque, la révolution russe et l'avènement du régime bolchevique ont déclenché la guerre civile finlandaise. Cette guerre civile oppose la "Finlande blanche" à la "République socialiste des travailleurs finlandais". Cette dernière était soutenue par l'URSS naissante et le pouvoir bolchévique (Stephen Kotkin, Staline, les paradoxes du pouvoir, 2014).
Puis, en août 1939, la signature du pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop entre l'Allemagne nazie et l'URSS installe la Finlande, ainsi que les États baltes, dans la sphère d'influence soviétique. En 1939-1940, la féroce guerre entre la Finlande et l'URSS se termine par la perte de 10% de son territoire (Stephen Kotkin, Staline vol II - En attendant Hitler, 2017).
La Finlande s'est donc alliée à l'Allemagne nazie en 1941. Elle participe à l'assaut contre l'Union soviétique, afin de reprendre les parties perdues de son territoire. Après la victoire des Alliés en 1945, l'URSS impose à la Finlande le statut de pays neutre.
Ce contexte historique façonne certainement la perception collective finlandaise de la Russie (Hélène LavoixNationalism' and 'Genocide' : the construction of nation-ness, authority, and opposition - the case of Cambodia (1861-1979) - PhD Thesis - School of Oriental and African Studies (University of London), 2005).
La volonté de rejoindre l'alliance de l'OTAN intervient au moment où la Russie utilise sa puissance militaire à ses frontières occidentales pour la troisième fois depuis l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1968. Cette situation déclenche un fort sentiment collectif d'"insécurité nationale" envers la Russie (Lamy, ibid).
Du point de vue suédois, le soutien militaire à l'Ukraine a commencé au tout début de la guerre : La Suède a expédié plus de 5 000 armes antichars, 5 000 boucliers corporels, 5 000 casques et 135 000 rations de campagne (Lamy, ibid).
Il n'y a pas eu de guerre entre la Suède et la Russie depuis 1814. Cependant, il faut se rappeler que la Suède fait face à l'enclave russe et hautement militarisée de Kaliningrad. Depuis Kaliningrad, la marine russe rayonne sur l'ensemble de la mer Baltique (Guy Faulconbridge, "La Russie met en garde contre un déploiement nucléaire et hypersonique si la Suède et la Finlande rejoignent l'OTAN”, Reuters, 14 avril 2022).
Turquie arctique
Cependant, la Turquie, membre historique de l'OTAN, a contesté ces candidatures suédo-finlandaises à l'OTAN. Entre mai et le 29 juin 2022, le gouvernement du président Erdogan s'est opposé à l'adhésion des deux pays scandinaves. Il l'a fait en raison de leurs nombreuses déclarations et politiques dénonçant la politique turque contre les Kurdes.
Ankara a dénoncé la façon dont la Suède et la Finlande accusent la Turquie de violations des droits de l'homme. L'adhésion à l'OTAN nécessitant un vote à l'unanimité de ses 30 membres, la Turquie de facto a bloqué les deux candidatures (Abdullah Bozkurt, "Le plan "diviser pour mieux régner" de la Turquie à l'égard de la Suède et de la Finlande dans le cadre de leur candidature à l'OTAN a échoué.”, Moniteur arctique, 8 juin 2020). Enfin, le 29 juin, le président Erdogan a accepté d'autoriser ces applications lors du sommet de l'OTAN de Madrid (Humeyra Pamuk et Anne Kauranen, "La Turquie lève son veto à l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'OTAN, ouvrant ainsi la voie à l'expansion.”, Reuters, 29 juin 2022).
En outre, il convient de noter que le réchauffement de l'Arctique a des conséquences très concrètes pour la Turquie.
En effet, l'ouverture de la route maritime du Nord par Moscou nécessite la construction d'une nouvelle flotte de brise-glace nucléaires. Ces brise-glace doivent accoster à Mourmansk, où le quai historique a coulé en 2018. En conséquence, le russe Rosatom a lancé un appel d'offres international, que le turc KuzeyStar a remporté en juin 2021. L'entreprise turque est censée livrer le nouveau port flottant géant à la fin de 2024. C'est un investissement de 4,9 milliards de roubles (55 millions d'euros) de Rosatom (Polina Leganger Bronder, "Un chantier turc remporte l'appel d'offres pour la construction d'un quai pour brise-glace nucléaire”, L'Observateur indépendant de Barents, 13 juin 2021).
En outre, la Turquie bénéficie également du développement pétrolier et gazier russe dans l'Arctique. Par exemple, en 2021, il y a eu une augmentation de 63% des importations de gaz turc en provenance de Gazprom. Cette augmentation est couplée à celle de 10% de l'Allemagne et de 20% de l'Italie, ainsi que des "pays étrangers" (ainsi étiquetés par Gazprom). Cette augmentation globale n'est possible que grâce aux opérations massives de Gazprom dans l'Arctique (Ate Staalesen, "Alors que Moscou se préparait à la guerre, la société d'État Gazprom a vendu du gaz arctique pour une valeur de près de 140 $billion.", The Independent Barents Observer, 3 mai 2022). C'est notamment le cas des gigantesques champs de Yamal, sur la façade de la mer de Kara.
Ainsi, le réchauffement de l'Arctique devient un lieu où les intérêts nationaux russes, turcs, suédois et finlandais s'entremêlent de manière inattendue.
Développement de l'énergie et du commerce dans l'Arctique
La demande d'adhésion à l'OTAN de la Suède et de la Finlande est indissociable du fait que, depuis 2018, le réchauffement de l'Arctique est devenu un attracteur majeur pour l'OTAN. Cela résulte du recul rapide de la glace de mer d'été et de l'instabilité croissante de la glace de mer arctique et des conséquences pour la Russie.
En effet, depuis la fin des années 2000, le gouvernement russe s'est adapté à ce changement géophysique en ouvrant une nouvelle chaussée maritime le long du littoral sibérien.
Cette "route maritime du Nord" relie le détroit de Béring, donc le Pacifique et l'Asie, à la mer de Barents et à la mer de Norvège, donc à l'Europe du Nord et à l'Atlantique Nord. Dans la même dynamique, la Russie exploite plusieurs gisements pétroliers et gaziers onshore et offshore, comme les projets Yamal I et II de GNL.
La route maritime du Nord et les opportunités énergétiques attirent des investissements massifs de la Chine, ainsi que des convois de cargaisons chinoises (Jean-Michel Valantin, "Le réchauffement de l'Arctique russe : où convergent les intérêts stratégiques de la Russie et de l'Asie ?”, The Red Team Analysis Societyle 23 novembre 2016).
La Chine et l'OTAN, nouveaux acteurs de l'Arctique
En utilisant la route de la mer du Nord, les convois chinois gagnent plusieurs jours sur le temps de voyage pour atteindre les principaux ports d'Europe du Nord. Parallèlement, Pékin signe systématiquement des accords commerciaux et technologiques bilatéraux avec les gouvernements d'Europe du Nord (Jean-Michel Valantin, "La Chine arctique 2- Le façonnage du Nord par les Chinois”, The Red Team Analysis Society, 9 juin 2014).
En d'autres termes, grâce au développement russe des conséquences du changement climatique sur l'Arctique, la Chine devient une puissance économique majeure en Europe du Nord et dans la zone de l'Atlantique Nord.
C'est dans ce contexte que, en septembre 2018, les militaires russes ont organisé les manœuvres géantes Vostock 18 en Sibérie et dans l'Extrême-Orient russe (Jean-Michel Valantin, "Militariser le réchauffement de l'Arctique - La course au néo mercantilisme(s)”, The Red Team Analysis Societyle 12 novembre 2018).
Les militaires chinois ont été associés à cet exercice " Vostok 18 ". Puis, du 23 octobre 2018 au 7 novembre 2018, l'OTAN a organisé les manœuvres " Trident Juncture 2018 " dans la région arctique, entre la Norvège et l'Islande, menant ainsi son plus grand exercice militaire depuis la fin de la guerre froide en 1991 (Christopher Woody, "L'US Navy se rapproche de la Russie dans des conditions de gel et prévoit de rester sur place.“, Initié aux affaires7 novembre 2018).
Ces manœuvres ont mobilisé 50.000 soldats, 150 avions, 10.000 véhicules terrestres et 60 navires de guerre. Elles étaient centrées sur la Norvège, où se sont déroulés des exercices de débarquement, de déploiement et de combat. Ils ont été menés pour démontrer la capacité de réaction contre un adversaire hypothétique et non nommé qui mettrait en danger un autre membre de l'OTAN dans la région arctique.
Cet "anonymat" officiel n'a pas empêché la Russie de protester officiellement contre cet exercice militaire se déroulant très près de ses frontières terrestres et maritimes (Christopher Woody, "La Russie mène ses exercices de missiles au coude à coude avec les plus grands jeux de guerre de l'OTAN depuis des années”, Initié aux affaires31 octobre 2018).
Depuis lors, la Russie a accéléré la militarisation de son littoral et de sa zone économique maritime. Entre-temps, en 2020, l'OTAN a créé son commandement arctique sur la base de l'U.S. Navy à Norfolk (Levon Sevuts, "Le nouveau commandement atlantique de l'OTAN veille sur l'Arctique européen”, L'Observateur indépendant de Barents, 18 septembre 2020). Au cours de la même période, les pays scandinaves et la Russie ont multiplié les exercices militaires aériens, maritimes et terrestres (Thomas Nilsen, "Augmentation du nombre de jets brouillés de l'OTAN en provenance de Norvège”, L'Observateur indépendant de Barentset "US warship returns Barents Sea", 14 septembre et octobre 2020).
Puis, le 5 juin 2022, alors que la guerre en Ukraine fait rage et que les membres de l'OTAN soutiennent l'Ukraine sur le plan militaire, financier, médical et humanitaire, l'OTAN a mis en œuvre son exercice annuel dans les pays baltes, BALTOPS 22 (Anadolu Agency, "Fin du plus grand exercice jamais organisé par l'OTAN en mer Baltique”, Jour après jour Sabah, 12 juin 2022).
L'exercice a rassemblé 45 navires de guerre, 75 avions et 7500 hommes et femmes en service. Parmi eux se trouvaient des troupes suédoises et finlandaises, invitées à participer suite à leur candidature à l'OTAN. Le ministère russe de la défense a réagi en déployant une force maritime de 60 hommes. Ce déploiement a été l'occasion d'un exercice maritime et terrestre impliquant les forces russes de l'enclave de Kaliningrad.
Arctique Madrid
Ces exercices se déroulent en même temps que le sommet de l'OTAN à Madrid du 27 au 30 juin 2022. L'Organisation a alors publié son nouveau concept stratégique, qui inclut la Russie et la Chine comme menaces systémiques (Hélène Lavoix, "La guerre entre la Chine et les États-Unis - La dimension normative“, The Red Team Analysis Society, 4 juillet 2022). En ce qui concerne l'Arctique, il précise que :
"Dans le Grand Nord, sa capacité ("russe") à perturber les renforts alliés et la liberté de navigation dans l'Atlantique Nord constitue un défi stratégique pour l'Alliance. Le renforcement militaire de Moscou, y compris dans les régions de la Baltique, de la mer Noire et de la Méditerranée, ainsi que son intégration militaire avec le Bélarus, constituent un défi pour notre sécurité et nos intérêts."
Concept stratégique OTAN 2022
En d'autres termes, l'OTAN intègre officiellement le réchauffement de l'Arctique à sa doctrine stratégique, tout en identifiant la Chine et la Russie comme étant ses concurrents dans de nombreux domaines, y compris dans l'Arctique. Cela signifie également que le développement par la Russie et la Chine du réchauffement de l'Arctique et les capacités qu'elles pourraient tirer de cette approche sont clairement compris par Washington D.C. ( Sean Monaghan, Pierre Morcos, Colin Wall, "Que s'est-il passé au sommet de l'OTAN à Madrid ?", CSIS, 1er juillet 2022).
Kaliningrad pour toujours
Parallèlement, depuis le début du 22 juin, à la suite de l'UE et des États-Unis, la Lituanie applique des sanctions à Kaliningrad en bloquant la moitié du trafic ferroviaire allant de la Russie à l'enclave (Tim Libster et Rob Picheta, "Pourquoi Kaliningrad, bastion de la Russie en Europe, pourrait être le prochain point chaud de la guerre contre l'Ukraine.”, CNN, 22 juin 2022).
Kaliningrad est située entre la Pologne et la Lituanie et fait face à la Suède de l'autre côté de la mer Baltique. Port de la flotte russe de la Baltique, Kaliningrad est très fortement militarisée et abrite une installation de missiles Iskander. Les systèmes d'armes Iskander ont la capacité de transporter des armes nucléaires s'ils en sont équipés.
La Lituanie s'implique dans les systèmes de sanctions imposés par le G7, l'UE et les États-Unis. Comme celle de la Finlande, cette politique trouve ses racines dans son histoire douloureuse avec l'Union soviétique. Depuis 2004, elle fait partie de l'OTAN et de l'UE.
Mais, plus récemment, elle subit aussi la pression directe du Belarus qui, depuis 2021, "projette" littéralement les migrants du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie centrale aux frontières de la Pologne et de la Lituanie, afin de les déstabiliser. Le Belarus agit ainsi en représailles aux sanctions imposées par l'UE depuis la réélection contestée du président Loukachenko. (Jean-Michel Valantin, "La Biélorussie et l'armement de la migration“, The Red Team Analysis Society, 7 février 2022).
Cependant, entre-temps, le 17 juin, le nouveau brise-glace nucléaire russe Sibir a fait route vers le délicat détroit de Viltitsky. Dans le même temps, le méthanier Nicolaï Yevgorov a quitté le port de Sabetta, où les transporteurs spéciaux de l'Arctique se chargent du GNL produit par le géant Yamal (Atle Staalesen, "Alors que la Russie se tourne vers l'Asie, le premier navire de cette année prend la direction de l'est sur la route maritime du Nord.”, L'Observateur indépendant de Barents, 17 juin 2022).
Le Sibir escortera certainement le Nicolai Yevgorov le long de la route de la mer du Nord vers le détroit de Béring. Il expédiera ainsi du GNL vers le vorace marché asiatique, notamment chinois.
En d'autres termes, la guerre en Ukraine accroît les tensions stratégiques qui se développaient déjà depuis 2018 dans le nexus des relations internationales qu'attire le réchauffement de l'Arctique. L'attraction de l'Arctique révèle également que le lien Russie-Chine-Turquie-Asie s'approfondit par le biais du commerce et de l'énergie, tandis que l'OTAN se projette dans cette région en mutation rapide et "polarisante".
C'est dans ce contexte tendu que la guerre en Ukraine " déborde " sur l'Arctique et accélère ses changements stratégiques. Il faut maintenant voir si la géophysique de la région, en pleine mutation, va " surchauffer " ce nouvel état des choses.
Image en vedette : AK, ÉTATS-UNIS, 03.18.2022, Photo par Sergent Seth LaCount, Armée américaine Alaska(Photo de la Garde nationale de l'armée américaine par le sergent Seth LaCount) - Domaine public.